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GOUVERNEMENT DANS LES ÉTATS PARTICULIERS.

ne saurait se comparer à la nôtre ; les agents du ministère public sont peu nombreux, ils n’ont pas toujours l’initiative des poursuites ; l’instruction est rapide et orale. Je doute cependant que, dans aucun pays, le crime échappe aussi rarement à la peine.

La raison en est que tout le monde se croit intéressé à fournir les preuves du délit et à saisir le délinquant.

J’ai vu, pendant mon séjour aux États-Unis, les habitants d’un comté ou un grand crime avait été commis, former spontanément des comités, dans le but de poursuivre le coupable et de le livrer aux tribunaux.

En Europe, le criminel est un infortuné qui combat pour dérober sa tête aux agents du pouvoir ; la population assiste en quelque sorte à la lutte. En Amérique, c’est un ennemi du genre humain, et il a contre lui l’humanité tout entière.

Je crois les institutions provinciales utiles à tous les peuples ; mais aucun ne me semble avoir un besoin plus réel de ces institutions que celui dont l’état social est démocratique.

Dans une aristocratie, on est toujours sûr de maintenir un certain ordre au sein de la liberté.

Les gouvernants ayant beaucoup à perdre, l’ordre est un d’un grand intérêt pour eux.

On peut dire également que dans une aristocratie le peuple est à l’abri des excès du despotisme, parce qu’il se trouve toujours des forces organisées prêtes à résister au despote.

Une démocratie sans institutions provinciales ne possède aucune garantie contre de pareils maux.