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DE LA DÉMOCRATIE EN AMÉRIQUE.


DE L’ESPRIT COMMUNAL DANS LA NOUVELLE-ANGLETERRE.


Pourquoi la commune de la Nouvelle-Angleterre attire les affections de ceux qui l’habite. — Difficulté qu’on rencontre en Europe à créer l’esprit communal. — Droits et devoirs communaux concourant en Amérique à former cet esprit. — La patrie a plus de physionomie aux États-Unis qu’ailleurs. — En quoi l’esprit communal se manifeste dans la Nouvelle-Angleterre. — Quels heureux effets il y produit.

En Amérique, non seulement il existe des institutions communales, mais encore un esprit communal qui les soutient et les vivifie.

La commune de la Nouvelle-Angleterre réunit deux avantages qui, partout où ils se trouvent, excitent vivement l’intérêt des hommes ; savoir : l’indépendance et la puissance. Elle agit, il est vrai, dans un cercle dont elle ne peut sortir, mais ses mouvements y sont libres. Cette indépendance seule lui donnerait déjà une importance réelle, quand sa population et son étendue ne la lui assureraient pas.

Il faut bien se persuader que les affections des hommes ne se portent en général que là où il y a de la force. On ne voit pas l’amour de la patrie régner long-temps dans un pays conquis. L’habitant de la Nouvelle-Angleterre s’attache à sa commune, non pas tant parce qu’il y est né, que parce qu’il voit dans cette commune une corporation libre et forte dont il fait partie, et qui mérite la peine qu’on cherche à la diriger.

Il arrive souvent, en Europe, que les gouvernants eux-mêmes regrettent l’absence de l’esprit communal ; car tout le monde convient que l’esprit communal est un grand élément d’ordre et de tranquillité publique ;