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MADAME MEURIOT


― Mon Dieu ! Monsieur, si vous me l’aviez perdue disait Rosalie. J’y tenais tant… La paire me venait de mon oncle…

Tout à coup, M. Honorat se souvint. De peur d’écraser la boucle d’oreille, il l’avait placée dans sa serviette, au milieu des papiers d’affaires.

― Folle dit-il en remettant le petit paquet bleu à sa domestique. Avec moi, jamais rien ne se perd. C’est six francs.

― Diable ! fit Rosalie, consternée.

Mais la paire lui venait de son oncle elle tira de l’argent de sa poche, compta lentement les six francs. Son maître les coula dans son portemonnaie, sans cérémonie.

Maintenant, ayant passé parle salon, M. Honorat était dans la chambre, en train de se changer.

― Eh ! mes petits fours ? lui cria de son fauteuil madame Honorat.

C’était plus important que tout. Il lui fallait absolument des petits fours, pour le thé, à cause des Meuriot.

― Tu verras, dit-elle à sa sœur, qu’il les aura oubliés…

Elle réclamait ses petits fours en élevant la voix. Son mari l’entendait ; les portes étaient restées grandes ouvertes. Au lieu de répondre, il se mit à chanter l’air de Magali, dans Mireïo : « O Magali, ma tant amado… » d’une voix burlesque, qui avait gardé l’accent provençal.

Alors la mère Honorat à madame Camoin :

― Il chante Je vois qu’il y a pensé…

M. Honorat ne chantait plus, lorsqu’il revint dans la salle à manger, en pantoufles et en robe de chambre bleue, sa calotte de velours noir sur