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MADAME MEURIOT

norat, elle, pour faire plaisir à sa sœur, convint que tout était hors de prix. Même elle soupirait, par bonté d’âme, lorsqu’une clef s’introduisit dans la serrure de l’appartement.

― Tiens c’est Honorat s’écria-t-elle, comme soulagée.

Et, toute joyeuse, faisant sa voix de fausset, battant l’une contre l’autre ses mains à moitié paralysées, elle l’appelait :

― Casimir !… Casimir !… Mon petit Casimir !…

Son claque en mérinos sur la tête et de côté comme à l’habitude, une serviette bourrée de papiers sous le bras, M. Casimir Honorat fit son entrée. Il ne boitait pas, mais une de ses jambes restait toujours un peu en retard, et sa chétive personne, mal en équilibre, semblait avoir reçu « un coup de mistral », comme il le disait lui-même : « Oui ! de mistral, ce terrible vent de mon pays ! »

Il vint droit a madame Honorat :

― Et Gustave ? on ne l’a pas encore vu ?

Il regarda la pendule. Bon ! il n’était pas très tard. Alors, embrassant sa femme sur les deux joues, M. Honorat lui mit dans la main un gros bouquet de violettes. Il en avait apporté un second, plus petit, qu’il donna immédiatement à sa belle-sœur, en l’embrassant aussi sur les joues, avec une gravité muette. Et, comme la mère Honorat, heureuse que son Casimir eût commencé par elle, riait aux éclats, lui, reprit madame Camoin dans ses bras, plus fort, faisant claquer des baisers avec un sérieux de pape.

― Toujours le même ! dit alors sa femme, en hochant la tête. Un vieux gamin.