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MADAME MEURIOT

ses vieilles joues, creusées par le manque de dents.

― N’est-ce pas, on peut tout dire à sa sœur ?

― Évidemment laissa tomber madame Camoin.

Maintenant, madame Honorat semblait vouloir reprendre ce qui lui était échappé :

D’ailleurs, tu sais, tout cela est si lointain… Mon fils, qui n’a pas encore de position, est bien jeune lui-même…

Rien ne pressait, n’est-ce pas ? Pour le quart d’heure, les Meuriot étaient simplement des gens aimables, de bons voisins à eux, qu’ils connaissaient depuis quelques jours et qu’elle avait invités à venir, après leur dîner, faire une partie et prendre quelque chose : voilà tout.

― Puis, qui me dit que la mère n’a pas sur sa fille des idées arrêtées ?

― On ne sait jamais ! observa madame Camoin.

Et comme sa sœur, essoufflée d’avoir parlé si longtemps, reprenait haleine, elle se mit à raconter que l’avant-veille, vers trois heures de l’après-midi, elle avait cru voir passer madame Meuriot, en robe de soie noire, emmitouflée dans tout un fouillis de dentelles, très élégante.

― Elle est entrée au square Montholon, où je l’ai perdue de vue…

― Tais-toi dit tout à coup madame Honorat.

Hors de son fauteuil, jetée de côté et penchant la tête, elle écoutait quelque chose à l’étage au-dessous.

― Tais-toi Elle vient de rentrer.

― Tu as l’oreille fine, toi ! dit madame Camoin, qui n’avait rien entendu.

Madame Honorât écoutait toujours. A la clarté