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MADAME MEURIOT

Honorat, elle, parlait. Ce jour-là, au lieu de se répandre en détails circonstanciés sur ses infirmités, ou de passer en revue leurs diverses connaissances, elle aborda aussitôt un sujet qui, toute l’après-midi, lui avait démangé la langue.

— Tu ne sais pas… Il y a du nouveau !

Madame Camoin ne sourcillait pas.

— Oui, du nouveau répéta madame Honorat, toute vibrante. Les Meuriot…

Avec une gourmandise de chatte lappant du lait, elle sortit un petit bout de langue, qui rentra presque aussitôt ; puis, elle ajouta, en détachant l’une de l’autre chaque syllabe :

— Ils-vien-dront-ce-soir.

— Très bien ! très bien ! laissa tomber l’autre, avec indifférence.

Maintenant qu’elle avait eu le plaisir de jeter la grande nouvelle en quatre mots, ce n’était pas suffisant : il s’agissait de remâcher ce plaisir, à petites bouchées. Madame Honorat commença donc à débiter les Meuriot par tranches minces, a les savourer en détail. Tantôt, là, toute seule, de son fauteuil, elle avait, ma foi ! bien ri. A la vue des gros bras rouges de leur Anaïs, en face, au sixième, faisant déjà ses bottines, afin d’être prête de bonne heure, le lendemain dimanche, à aller courir. Non ! leur grande lourdaude de domestique alsacienne, ce n’était pas ce que les Meuriot avaient de mieux. Il circulait même des bruits…, elle saurait bien s’arranger pour que leur Anaïs ne gâtât point sa Rosalie. Mais, à part cette tache, les Meuriot étaient de bons voisins, des gens parfaits, des amis de fraîche date, il est vrai, avec lesquels il serait charmant d’avoir des relations suivies.