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MADAME MEURIOT

Alors Léon fit signe qu’il ne fallait point la contrarier.

— D’ailleurs je descends moi-même. J’ai des papiers à consulter…

Léon et mademoiselle Ida n’étaient pas remontés au bout d’une demi-heure. Gustave rentra, on allait passer à table.

— Mais que font-ils tous les deux ? s’écria le père Honorat, sans y attacher malice.

Et il ajouta avec candeur :

— Fâcheux que l’oncle Camoin ne soit pas ici : ce qu’il en dirait !… Il prétendrait que c’est l’air vif de Versailles… l’effet des Grandes Eaux.. !

— Mangeons la soupe : ça les fera venir, dit Juliette avec indifférence.

Elle détestait pourtant l’institutrice, d’instinct. Mais il était loin le temps où, pour la première fois, les privautés de Léon avec une domestique l’avaient désolée. Oui, elle se souvenait : d’abord la première bonne de Marthe, la petite Vendéenne, comme désossée, qui, pour un rien, se laissait choir sur le paquet ! Et les autres, en seize ans de ménage, toute la kyrielle. Jusque la cuisinière congédiée le matin ! Par exemple, elle n’avait jamais suspecté Anaïs, depuis dix-huit mois sa femme de chambre, une fille meilleure que sa réputation, et qui, en tout cas, valait au moins autant que cette sainte-nitouche de Rosalie, avec laquelle le père Honorat, c’était connu de toute la maison, s’éternisait quelquefois à la cave. Qu’importait d’ailleurs la conduite d’autrui ? Ils devaient avoir leurs raisons d’agir, tous : est-ce qu’on savait ? Plus large de cœur et d’esprit, elle se sentait portée à l’indulgence.