Page:Alexis - Le Collage.djvu/96

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
93
LE RETOUR DE JACQUES CLOUARD

grands cols évasés laissant le cou nu, admirablement coiffés, des accroche-cœurs au front. Appuyée avec tendresse sur l’épaule d’un de ces jolis messieurs, une belle brune, grande et bien faite, l’air hardi, des yeux vifs vous dévisageant, était secouée à chaque instant d’un rire clair, qui montrait d’admirables dents blanches. La mise d’une boutiquière aisée du quartier.

Une boutiquière effrontée, par exemple ! Pourquoi ce grand étalage de bijoux, montre et chaîne en or, bagues massives, voyantes boucles d’oreilles en corail ? Tenant des propos à faire rougir un carabinier, elle fumait la cigarette. Elle parlait sur un ton d’autorité. Et toutes l’écoutaient avec déférence, toutes. Deux bonnes étaient reconnaissables à leurs tabliers blancs, deux énormes dondons, débordantes de graisse, écroulées sur leur chaise, qu’elles faisaient craquer chaque fois que le rire secouait leur épaisse corpulence ; fumant comme la patronne, buvant de larges coups, heureuses de vivre, elles manquaient absolument de respect envers les autres dames de la société, qu’elles tutoyaient, en les appelant par leurs petits noms : « Flora…, Blanche…, Blondinette !… »

Quant à ces dames, Flora, Blanche, Blondinette, et les autres, elles étaient chacune en vieux peignoir de couleur effacée ; leurs savates éculées, tombant presque du pied, laissaient voir des