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LE COLLAGE

souciaient peu d’être mouillés. La musique endiablée, le tonnerre et les pétards, les illuminations et les éclairs, tout dégageait comme un besoin de ne pas rester en place, de tourner, de se répandre, de se livrer à quelque acte exalté. Des jeunes filles sages, en blanc, sous les yeux de leurs frères et de leurs pères, faisaient vis-à-vis à des cocottes du quartier Bréda, poussaient les mêmes cris burlesques. Des calicots bien vêtus, au milieu d’un avant-deux, se laissaient choir de leur long, ventre dans la boue. Et une toute petite bossue, plus large que haute, en robe tricolore, roulait, çà et là, au milieu des figures, comme une sorte de boule, portant bonheur, que se repassaient toutes les mains.

Après le quadrille, sans interruption, la polka, la valse, un autre quadrille encore. Et Clouard, pris dans l’engrenage de folie, ne se dégageait pas ; poussé, bousculé, sentant la tête lui tourner, ses idées se brouiller, mais heureux. Sa femme pouvait être par là, regardant comme lui. Ne viendrait-elle pas se jeter à son cou, lorsqu’il s’y attendrait le moins. Sa fille ? eh ! grand Dieu ! il allait la reconnaître, grandie et superbe, donnant la main à son cavalier ; s’il ne la reconnaissait pas tout de suite, elle lui crierait la première : « Bonjour, petit père ! Embrasse ta Clara. »

Comme l’aube commençait à blanchir, l’orchestre, saluant le jour, attaqua la Marseillaise.