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LE RETOUR DE JACQUES CLOUARD

la ville, de la terre entière. C’était pour fêter sa présence définitive et la retenir parmi nous, l’étrangeté de ces ballons oranges, disposés en guirlandes lumineuses autour de la place de la Bastille. D’autres ballons oranges pendaient au milieu des arbres, comme des fruits mystérieux. Et la gare de Vincennes, par-dessus ses frises de gaz, élevait des fanaux de locomotives, dont les feux tricolores brûlaient, eux aussi, pour la Patrie et pour la Liberté. La foule était compacte. Des groupes de trois ou quatre cents personnes, hommes et femmes, bras dessus bras dessous, avec des militaires, portant, les uns, des lanternes au bout de bâtons, les autres des rameaux de feuillage, faisaient le tour de la colonne en chantant, sur l’air des lampions : « les Jésuites sac au dos », et le premier couplet de la Marseillaise, puis, sur l’air de la polka de Fahrbach : « les Jésuites sont partis ! ah ! ah ! ah ! » Mais ni cohue, ni bousculade. Pas d’encombrement. Le peuple marquait le pas, sous les éclairs, mouillé par une nouvelle averse. Chacun tenait scrupuleusement la droite.

Boulevard Beaumarchais, plus de groupes distincts, mais un fleuve, s’écoulant en ordre. De cinquante en cinquante mètres, trois grands lustres de verres blancs, suspendus, l’un, au milieu de la chaussée, les autres, au-dessus de chaque contre-allée. Clouard et