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LE RETOUR DE JACQUES CLOUARD

tion le transportait. Ah ! si l’on était venu lui chercher dispute en ces moments-là, il eût volontiers tout cassé ! Adèle évitait même de lui parler, en ces heures d’énervement et de fureur concentrée. Que faire, alors, pour se détendre ? On vivait sous l’empire autoritaire, en plein étouffement : silence partout ! Ni liberté de tribune, ni liberté de réunion. Pas même un journal intéressant à lire. Pas la moindre bouffée d’air sain pour rafraîchir son front brûlant. Que faire ? Courir les mastroquets avec les camarades, lever le coude et se rougir la trogne, s’abrutir ? Ou bien se renfoncer dans les rêves creux, relire Proudhon et le Contrat social, échafauder des républiques idéales, véritables paradis terrestres, où ne régneraient que les lois naturelles : la justice et la fraternité ? Eh bien, non ! se repaître de songes creux n’était pas assez substantiel. Et l’alcoolisme était trop bête. Ce qui l’avait soutenu, pendant ces années étouffantes de l’empire, c’était de guetter l’heure vengeresse ou s’écroulerait de lui-même le haïssable château de cartes du despotisme.

Aux heures les plus prospères en apparence, aussi bien sous la glorieuse poudre aux yeux de la guerre d’Italie que, plus tard, pendant le pompeux apparat de l’Exposition de 1867 ; que, plus tard encore, sous l’insolent triomphe du plébiscite, lui, appliquant l’oreille contre terre, comme les sauvages qui savent ouïr un bruit lointain