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LE COLLAGE

ses poumons respiraient plus largement. Un poids, qui avait pesé sur lui pendant des années, ne l’oppressait plus. Dispos, léger, heureux de vivre, trouvant la nuit douce, aimant les trépidations du train en marche, ému par les sifflements de la locomotive, il lui semblait que chaque tour de roue le rapprochait de quelque joie extraordinaire.

Deux autres amnistiés, retrouvés à la gare, étaient assis en face de lui. À l’autre portière, des gens du pays, paysans des villages voisins ; ceux-ci descendirent bientôt. Une fois seuls, les trois voyageurs cassèrent une croûte. Au moment des adieux, la fruitière avait fourré de force, dans la poche de Clouard, un demi-saucisson et un immense morceau de gruyère. Ses camarades, eux, avaient du pain et du vin. On se passe le litre à tour de rôle et l’on but à la régalade. Puis, chacun fuma une pipe, en parlant de Genève, de voyage, de l’heure où l’on arriverait à Dijon, de Paris, où ils se trouveraient le lendemain soir, à la fin de la fête. La pipe éteinte, les deux camarades s’étendirent chacun sur une banquette. Tout de suite ils ronflèrent. Clouard, à l’autre portière, s’étendit comme eux ; mais le sommeil ne vint pas.

Vers trois heures du matin, l’aube parut. On avait dépassé Bourg. Pendant que le train omnibus continuait sa marche, entrecoupée à chaque