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JOURNAL DE MONSIEUR MURE

masse informe et débordante de chair, qui vient d’achever sa toilette, une bonne grosse commère de cinquante ans avec des anglaises, très affable et très expansive, toute disposée à causer.

— Oui, madame de Vandeuilles a demeuré chez moi…

Ma figure dut exprimer mon étonnement.

— Attendez, monsieur, vous allez savoir… Pas moyen de placer un mot ; il me fallut subir ses interminables explications. D’abord, elle tenait une pension bourgeoise, elle, et quelle pension ! Ce n’était pas un hôtel, au moins, comme celui dont j’avais dû apercevoir l’écriteau jaune, tout à l’autre bout de la cité, en arrivant par l’avenue de Clichy ! Cet hôtel de la cité des Fleurs, à l’entendre, était mal habité et déshonorait la cité, « un endroit si tranquille, si comme il faut, si aristocratique », tandis que sa pension à elle ne faisait nullement tache. Et sa maison par-ci ! et sa maison par-là ! chez elle on se trouvait bien, on vivait en famille, et rien que des personnes distinguées : commerçants retirés, officiers en retraite, une vieille dame noble avec son fils employé au ministère ; tous gens posés, bonne paye, heureux de trouver en plein Paris des jardins, un petit paradis terrestre, quoi ! l’air pur de la campagne… Seulement, comme elle était très difficile sur le choix de ses pensionnaires, qu’elle en refusait journellement, elle avait de la place de reste, et sous-louait, non