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LE COLLAGE

appuyée sur la rampe qui entoure le jet d’eau d’une corbeille de fer. À travers la poussière du jet d’eau, entre les troncs élancés des jeunes platanes, la vue de la ville, — qui, par la trouée de la rue de la Comédie, nous apparaissait tassée et comme engourdie à nos pieds, sous un soleil ardent déjà haut, — mit soudain le comble à son exaspération. Et, la menaçant du poing, comme si X… tout entière était l’ennemie de sa fille :

— C’est là qu’elles sont, s’écria-t-il, ces femmes !… Maintenant elles ouvrent à peine les yeux, et elles s’étirent dans leur lit. Tas de bougresses !…

Et, pendant tout le temps que nous suivîmes le boulevard Saint-Jean, il me fallut écouter la chronique scandaleuse de X… Un tas d’histoires, bien connues, vraies ou fausses, en circulation sur le compte de celle-ci, de celle-là. Madame « une telle » ne rendait-elle pas son mari la risée de la ville ? Et madame B…, femme d’un juge au tribunal, en avait-on assez jasé, sous l’avant-dernier sous-préfet ? Madame V…, femme d’un riche banquier, au su et connu de tous, une chienne en folie ! Le soir, de tout jeunes gens la suivaient… Et madame de N… N…, une marquise celle-là, une marquise authentique, depuis cinq ans n’entretenait-elle pas dans son hôtel, sous le même toit que son mari, un étudiant corse sans fortune ! … Et la de K…, qu’on