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LE COLLAGE

une partie de lui-même s’avouait tout bas que ce langage était celui de la réalité. Et mieux valait encore que ces choses trop vraies lui arrivassent par la bouche de celle qui avait été sa femme.

Aussi, Jacques la laissait parler, ne protestant pas, ne criant pas, ne songeant plus à la battre. Insensiblement, ce qu’il avait eu la naïveté de croire intact, s’émiettait ; et ses illusions s’envolaient ; son bonheur tranquille d’autrefois n’était plus que débris et poussière. Maintenant, étouffé sous toutes ces cendres de lui-même, il n’avait plus la force de se plaindre. Et elle, sans qu’il l’interrompit, lui expliqua qu’elle faisait partie depuis des années d’une autre famille, qu’elle avait contracté une nouvelle union, irrégulière certes aux yeux de la loi, mais sérieuse et légitime, respectable aux yeux de la conscience.

— Alors, ce soir, on t’attend… Et c’est un autre que moi ?

— Oui ! répondit-elle d’une voix ferme.

— C’est à moi que tu oses avouer ça !… À moi ! ton mari !

— Que veux-tu ! J’ai un enfant.

— Un enfant ? Oh ! un enfant !

— Un petit garçon de dix-huit mois… Ne te croyais-je pas mort depuis trois ans, toi !

Et, de sa voix franche, devenue tendre tout à coup, elle lui parla de son fils. Il n’était pas avancé pour son âge, commençait à peine à mettre un pied