Page:Alexis - Le Collage.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
101
LE RETOUR DE JACQUES CLOUARD

le bras. Et elles occupaient tout le trottoir, faisant mine de ne pas vouloir livrer passage aux messieurs qui arrivaient en sens contraire. Mais Adèle ne pouvait être bras dessus bras dessous avec ces apprenties effrontées, de vraies gamines, qui riaient au nez des gens, des coquettes qui s’arrêtaient devant les glaces des devantures pour se regarder. Et son attention se portait de préférence sur celles qui marchaient seules, d’un pas mesuré, modestement vêtues, leur petit sac à la main.

Cependant Adèle n’arrivait pas. Allait-il seulement la reconnaître ? Une femme change joliment, en dix années. Adèle, âgée de vingt-huit ans en 71, en avait aujourd’hui trente-sept. Et, depuis l’âge de dix-sept ans, elle était sa femme ! Que de choses en ce laps de temps, d’efforts stériles, de misères endurées ! Combien de ces angoisses qui vieillissent ! Mais, à travers ses mélancolies, Jacques avait beau faire appel à son imagination, il n’arrivait pas à se représenter Adèle vieille. Quelque femme de tournure âgée et lourde de démarche arrivait-elle, lui, avant de distinguer son visage, s’était déjà dit : « Ce n’est pas elle ! »

Huit heures, pourtant. Étant plusieurs fois descendu jusqu’à l’église de la Trinité, Jacques remontait encore. Huit heures et quart ! Chamonin pouvait s’être trompé. Huit heures et demie ! Ce Chamonin, une crapule au fond, s’était