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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

quinze jours, son air heureux et rayonnant stupéfia Zoé.

Et, pendant six mois, il alla tous les jours à sa « Villa-Poorcels » pour surveiller maçons et architecte, sculpteurs et marbriers. Il en manquait souvent l’audience. À peine au sortir du parquet, il sautait en selle. Il engraissa. Le jour de l’inauguration de la porcherie, il y eut à « Villa-Poorcels » une grande fête agricole à laquelle, naturellement, madame Fraque refusa d’assister. Le préfet, le premier président, l’évêque lui-même, le docteur Boisvert, plusieurs membres du conseil général, déjeunèrent dans la porcherie. Tout à coup, au dessert, quand on déboucha le champagne, les portes furent ouvertes, et les habitants du nouveau palais, couverts de rubans et de guirlandes de roses, firent irruption en grognant de joie. Il y eut toast, discours, musique d’orphéon, bal champêtre, et enfin, le soir, feu d’artifice. La grande pièce fit voir, dans le ciel, un gigantesque cochon de feu.

Cette sollicitude pour la race porcine passa chez M. Fraque à l’état de folie douce chronique. Elle lui coûta beaucoup d’argent, presque autant que la toilette de sa femme. Ses quarante mille livres de rente n’y suffisaient plus. Il fut bien forcé d’écorner de temps en temps son capital, afin que ses porcs chéris vécussent comme des princes. Mais il s’absorba en eux. Ses porcs remplacèrent ses nécessités de distraction, ses besoins de femmes. Dans leur société,