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LA FIN DE LUCIE PELLEGRIN

maman Printemps ! Elle s’écoute, mes belles, il faut voir ça : des exigences, des fantaisies… Et, s’il vous plaît, elle est malade… comme moi.

Madame Printemps avait le teint rose. Front, joues, nez, menton, oreilles, tout était badigeonné d’un rose acre que décrépissaient d’innombrables bourgeons à duvet pâle, vernis de sève comme ceux d’une jeune vigne en avril. Ses cheveux carottes, emmêlés de cheveux gris, lui faisaient de chaque côté un petit paquet hérissé, au bout de la patte d’oie des tempes. Mais avec ses bourgeons et ses rides, elle restait jeune, étrangement jeune de jeunesse éventée, comme un de ces vieux flacons d’essence empestant d’autant plus le rance, qu’ils sentent encore vaguement la violette.

— Maman Printemps, dit la grande Adèle, sans qu’elle entende, nous voudrions filer.

— Vous lui direz que nous reviendrons, ajouta l’autre Adèle.

Sur la pointe des pieds, madame Printemps se glissa du balcon dans la chambre, et revint leur ouvrir une fenêtre du salon. Une grande émotion la rendait plus rose encore, et tous ses bourgeons semblaient avoir poussé.

— Plus de candélabres, s’écriait-elle, voyez, plus de candélabres !

Elle avait couru à la cheminée, et passait les mains, ses mains rouges, sur le velours de la tablette.

— Ils étaient en bronze doré d’au moins cent écus