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LA FIN DE LUCIE PELLEGRIN

tre sur le balcon. Mais là, ne songeant plus à rouler les cigarettes, elles commencèrent à chuchoter toutes à la fois :

— Elle est perdue, n’est-ce pas ? — Fait-elle pitié, la pauvre fille ! — Avez-vous vu son visage de papier mâché ? — Et ses yeux enfoncés dans des trous noirs ! — Et ses bras à travers lesquels on verrait le jour. — Moi, c’est sa voix crevée qui me faisait mal à entendre. — Si elle va à dimanche, c’est le bout du monde. — Dans ce sang qu’elle crachait, je n’ai pas bien regardé : il devait y avoir de petits morceaux de poumon.

Ici, l’autre Adèle se mit à raconter qu’à Nancy, vers quinze ans, ayant fait sa croissance tout d’un coup, elle avait manqué devenir phtisique, qu’on lui donnait de l’huile de foie de morue, que le docteur, pour l’ausculter, la faisait tousser et respirer fort, en appliquant l’oreille… Mais personne ne l’écoutait, et elle se tut. Les autres trouvaient Lucie Pellegrin bien mal soignée ; tout à l’heure elle pouvait mourir sans que personne fût là pour lui donner seulement à boire. Et elle aurait pu même être volée : qui donc l’avait ainsi lâchée, toute seule, sans se donner la peine de refermer les portes ? Puis, elles revenaient au sens dessus dessous de l’appartement, à ces cartons et à ces malles poussés au milieu, à cette couche de poussière sur les meubles. Elles ne regrettaient pourtant pas d’être montées : et elles ne manqueraient pas de remonter, le jour où tout serait fini, pour revoir