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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

tivement, je regardai Hélène. Elle souriait. Qu’avait-elle de magique ? Sa coiffure ou son regard ? Peut-être sa robe de velours noir ! Elle souriait, et je fus aussitôt rassuré. Il était impossible de voir ce sourire et de ne pas se sentir tenté de tomber à ses genoux. Madame de Lancy, elle, se leva, vint s’asseoir sur un pouf devant Hélène, lui prit la main et la garda dans les siennes, en lui demandant à demi-voix comment elle se portait. J’aurais couvert de baisers les longs doigts de madame de Lancy, ridiculement minces et effilés, exsangues, aristocratiques.

Les autres convives arrivaient. Le recteur de l’Académie, un général, le procureur de la République et le sous-préfet, presque coup sur coup. Le premier président et sa femme, les derniers. — « Madame est servie », vint-on dire.

Maintenant, on dînait. Pas de conversation générale pendant le potage, ni pendant le premier service. À peine quelques mots à demi-voix, entre voisins, et sur des généralités… L’hiver s’annonçait très froid ; les hirondelles étaient parties de bonne heure et les personnes délicates devaient prendre beaucoup de précautions… Il y avait eu quelques fièvres typhoïdes à la fin de l’été… On parlait d’une troupe de passage qui viendrait dans huit jours nous jouer les Bourgeois de Pont-Arcy… Puis, ce n’était plus qu’un bruit imperceptible de fourchettes, de vaisselle plate, d’assiettes remuées, le heurt malencontreux d’un verre aux vibrations aussitôt étouffées avec le doigt ;