suave fraîcheur, l’enivrement de ces haleines balsamiques, je les prenais pour une traînée de son passage. Et voilà que je me trouvais au bas de la Cité, maintenant, à la grille de la pension bourgeoise. Au fond du jardin, la maison muette et close dormait dans l’ombre. Les trois fenêtres du second reposaient doucement. Et je ne savais plus, moi ! il me semblait que cette grille allait s’ouvrir une fois encore, pour la laisser passer. C’était bien le moins qu’elle vînt ! Depuis assez longtemps, je l’attendais ! Enfin, maintenant qu’elle était venue, son bras frôlait le mien et je me sentais défaillir au milieu de la caresse de sa robe. Alors, je revins lentement, m’imaginant que nous marchions à deux, l’un contre l’autre. De distance en distance, à chaque rond point de l’allée, je ne coupais pas droit : pour allonger, nous faisions le demi-tour du trottoir circulaire. Rien ne pressait, et je ne lui parlais pas. Elle devinait ce que j’aurais pu lui dire. Puis, brusquement… Ce n’était plus le rêve ! Il y avait là, à quelques pas devant moi, une grande femme de tournure élégante, qui sonnait à la grille de la Cité. Le gardien devait dormir, la grille ne s’ouvrait pas. Et elle sonnait encore. Elle fit un mouvement, se tourna à demi vers la loge : alors, à travers les barreaux, son visage m’apparut en plein dans la clarté de la lanterne à réflecteur. Je retins un cri. C’était Hélène. Bien elle, cette fois, un peu changée depuis trois ans, toujours belle, mais, effet de mon trouble sans doute, d’une beauté étrange que je
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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.