Page:Alexis - La Fin de Lucie Pellegrin, etc, 1880.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
271
JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

navré qu’à la minute où j’écris cette phrase. La moiteur qui me mouillait le front et me descendait le long de l’échine, n’était pas sans volupté. Mes pieds enfonçaient dans un épais tapis de poussière. Mes yeux clignotaient au grand soleil, se fermaient. En les rouvrant, contre le haut mur, je voyais bien çà et là une lèpre de mousse calcinée et noire, sorte de suintement de la mort. Mais, dans le champ opposé, un paysan labourait en gourmandant son mulet : — « Hue ! fainéant ! tire fort ! » — Et le babil d’un petit oiseau, que je ne voyais pas, frétillait dans une haie.

Puis, tout à coup, il travers la grille de la porte, les pierres blanches des tombes. Après le machinal coup de chapeau de l’entrée, presque tout de suite, à droite, je suis arrivé devant le tombeau de ma famille. Le nom que je porte « Mure », gravé plusieurs fois dans la pierre froide, précédé de prénoms et suivi de deux dates… Oui ! mon père ! ma mère ! De la place pour moi !… Paf ! tout à coup, au lieu de m’apitoyer sur moi et sur les miens, une distraction : le sol, détrempé par la pluie s’était affaissé, et la pierre tombale penchait à droite ! En m’éloignant, je pensais encore à la réparation qu’il faudrait faire : « Je reviendrai avec mon maçon… Pourvu encore que les murs du caveau ne se soient pas affaissés comme la pierre ! » Puis je me suis trouvé devant le tombeau des Derval. Et j’ai relu l’inscription que j’ai fait mettre moi-même : THÉODORE DERVAL. — Comman-