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JOURNAL DE MONSIEUR MURE.

patère, j’accroche en passant mon chapeau haute-forme de jeune substitut qui a obtenu de son procureur une permission de huit jours, et je prends un vieux chapeau de paille à moi, un peu déchiré, mais très convenable à Miramont pour courir les champs. Et me voilà dans la vaste salle à manger du rez-de-chaussée, où je trouve tout mon monde n’attendant que moi pour passer à table. Après les poignées de main, les embrassades, au milieu des compliments et félicitations, je m’adresse au commandant Derval : « Et ma petite amie ? Où donc est allée ma petite amie ? — Sacré nom de Dieu de gamine !… elle se sera échappée… elle est encore sur l’aire, à faire « des cabrioles… » Et, ouvrant la porte, le veux brave se dispose à courir nue tête, très rouge et criant : « Hélène !… ce que je vais la foutre en toute pension… Hélène ! Hélène ! » Je le retiens par le bras. « Ne la grondez pas… laissez-moi le plaisir de l’appeler moi-même. » Et me voilà parti pour l’aire.

L’aire me semble d’abord déserte. De loin, rien que l’épaisse jonchée des gerbes foulées tout le jour par les deux mulets du paysan. Et, ce qui restait intact du haut gerbier se dressait en pointe dans le ciel, le ciel tout rouge, encore incendié par le soleil dont le disque réduit à rien achevait de s’enfoncer. « Tiens ! elle a dû se mettre dans la cabane… je vais la surprendre. » Et, m’étant avancé avec précaution, je soulève le « bourras » jeté sur trois fourches prises l’une dans l’autre. Rien ! Hélène n’était pas dans la