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LES FEMMES DU PÈRE LEFÈVRE.

lendemain onze heures quarante-cinq minutes du matin. Chacun s’endormit ce soir-là avec la conviction qu’il ne restait pas d’espoir. Parti depuis six jours, M. Lefèvre n’avait plus donné signe de vie. On n’avait pas revu les deux trésoriers-organisateurs. Tant pis ! le pauvre bal était bien tombé à l’eau.

Enfin, le lendemain jeudi, quelle triste Mi-Carême !

Le ciel uniformément gris, d’un gris sale. La pluie ! une de ces pluies d’hiver lentes à tomber, glacées et pénétrantes, qui sont comme de la tristesse condensée et de l’ennui qui coule.

La ville entière semblait ne plus vouloir s’éveiller. Sur le Mail, personne, rien d’ouvert. À dix heures du matin, des lueurs de lampe allumée au fond de certains rez-de-chaussée, où il faisait nuit. Les mille bruits de la vie recommençante étouffés dans l’atmosphère mouillée.

Midi, pourtant. Midi et demi. Aux Quatre-Billards, le père Brun à son comptoir, lunettes au nez, un bougeoir allumé à la main, se couchait sur son livre de comptes. Les Momies et le Divan étaient vides. François, accoudé sur une table, sommeillait. Enfin, il arriva assez de « momies » pour un domino à quatre. Mais pas un Coq !

En face, au Durand, pendant ce temps, le lieutenant Ladoucette absolument seul, prenait un café-au-lait couleur de la boue liquide qui glissait lentement dans les ruisseaux.

À cause de la pluie, il n’y eut pas musique sur le