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L’INFORTUNE DE MONSIEUR FRAQUE

seuses. À droite, une longue colline pelée et pierreuse s’élevait comme une muraille. Et, du côté de Noirfond, à gauche, au-dessus des grandes prairies, ce n’étaient que coteaux couverts d’oliviers, au milieu desquels on entrevoyait quelques toitures de fermes lointaines. Se sentant bien seul, M. Fraque se mit à soupirer profondément.

Il était arrivé à « la Fontaine-d’Argent ». Une barre de rochers coupe en travers le lit de la rivière ; l’eau, retenue, coule en nappe, doucement. C’est une mince feuille d’argent limpide, sur laquelle le soleil miroite, et qui finit par un peu d’écume. Jenny eut envie de boire. Elle prit sur elle de descendre au bord, et fit quelques pas sur le gravier humide. Ses sabots enfonçaient. Mais le cavalier la laissait aller. Sa pensée était loin. Au moment où Jenny, le col baissé, plongeait déjà les naseaux dans l’écume laiteuse, reniflant avec avidité la poussière d’eau de la Fontaine d’Argent, M. Fraque releva la tête : de grosses larmes lui mouillaient les joues. La maigre jument buvait toujours.

Tout à coup, M. Fraque se moucha quatre ou cinq fois de suite, d’une force à être entendu d’un kilomètre. Puis, ce fut un autre homme, comme s’il venait de remettre son émotion dans la poche, avec son mouchoir.

— Bonne bête ! bonne bête ! faisait-il en donnant de petites tapes affectueuses sur le cou de Jenny, qui buvait encore.