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nature, il en avait fini à jamais avec la bohème ; il avait désormais pied dans la vie ; il était sauvé.

Mais la vie régulière et normale a elle-même ses mélancolies. Dans son bureau, près de la fenêtre où se trouvait sa table, le nouvel employé, — déjà, à vingt-deux ans, porté à l’hypocondrie, — avait à refouler des tristesses toutes nouvelles. Ne plus être libre ! Travailler forcément et chaque jour, aux mêmes heures ! Une voix secrète vous souffle tout bas : « Tu étais bien plus gai et bien plus heureux, quand tu n’avais pas le sou ! » Une autre tentation aussi contre laquelle il eut à lutter : « Tous ces livres qui me passent par les mains, je n’ai pas le loisir de les lire. » Un vrai supplice pour un jeune écrivain. Mais il est déjà une volonté et une force. Non seulement il fait un employé passable, mais, chaque soir, et le dimanche toute la journée, il travaille pour lui.

A partir de ce moment, plus de vers ! Soit qu’il ne se reconnaisse décidément pas poète, ou qu’ayant un sens de la vie littéraire très pratique, il croie la prose un outil plus moderne, il se donne à la prose tout entier et pour toujours. Il avait déjà écrit deux contes, la Fée amoureuse et le Carnet de danse. Il se mit à en écrire un autre, puis un autre, puis un autre. Pendant deux ans, de 1862 à 1864, il fit ainsi de courtes nouvelles, qui, réunies, devaient former son premier volume. Outre que ses fonctions d’employé lui prenaient la plus grande partie de son temps, il