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Voici quels étaient ses menus : du pain et du café ; ou, du pain et deux sous de fromage d’Italie ; ou, du pain et deux sous de pommes. Quelquefois, rien que du pain ! Quelquefois, pas de pain du tout ! Ses vêtements, cela va sans dire, filaient l’un après l’autre au mont-de-piété. Même il lui arrivait, ayant fait porter au clou sa dernière nippe, d’être obligé de passer des trois ou quatre jours chez lui, sans pouvoir sortir, enveloppé des couvertures de son lit : ce qu’il appelait pittoresquement « faire l’Arabe. » Une fois, ayant couru en vain tout le quartier sans trouver à emprunter les quelques sous du dîner, et, il faut tout dire, ayant à ce moment sur les bras une femme, — une liaison de quelques semaines, — que fait le futur propriétaire de Médan ? Il retire son paletot, le jette à la femme : « Porte ça au mont-de-piété ! » Et il rentre chez lui en bras de chemise, par un froid de plusieurs degrés au-dessous de zéro.

Malgré tant de misère, Zola ne traversa jamais d’époque plus sereine, plus heureuse intellectuellement. La vie a de ces compensations. Une magnifique insouciance le rendait insensible aux souffrances matérielles. Il nourrissait mal son corps, mais son esprit, développé par la lecture et le raisonnement, assoupli déjà par la gymnastique du travail quotidien, commençait à voir clair en lui. Fixé désormais sur sa vocation littéraire, ne se sentant plus le courage d’embrasser n’importe