Page:Alexis - Émile Zola. Notes d’un ami, Charpentier, 1882.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’étant avisé de créer une fanfare, Marguery apprit le piston et Zola, qui n’a jamais eu d’oreille, dut choisir la clarinette. Qui le dirait aujourd’hui ? Certain jour de procession générale, en 1856, l’auteur de l’Assommoir a joué de la clarinette toute une après-midi, derrière les autorités ecclésiastiques, civiles et militaires, circulant dans les rues, en grand uniforme.

On fréquentait aussi assidûment le théâtre de la ville. Le parterre ne coûtait que vingt sous. Zola a peut-être vu jouer à Aix dix-huit fois la Dame blanche et trente-six la Tour de Nesle. Néanmoins, la grande débauche des trois amis n’était ni le théâtre, ni la musique, ni le jeu, ni la femme.

C’était la campagne. Une orgie saine de campagne, une soûlerie de grand air. Toujours par monts et par vaux, dans les environs d’Aix : tantôt sur les grandes routes, tantôt dans des sentiers de chèvres et des gorges désertes. Des parties de chasse ou de pêche, des baignades dans la rivière de l’Arc, des courses de dix lieues. L’été surtout, pendant les vacances, ou les jours de congé, à des trois heures du matin, le premier réveillé allait jeter des pierres dans les contrevents des autres. Tout de suite, on partait, les provisions depuis la veille préparées et rangées dans les carniers. Au lever du soleil, on avait déjà franchi plusieurs kilomètres. Vers neuf heures, quand l’astre devenait chaud, on s’installait à l’ombre, dans quelque ravin boisé. Et le déjeuner