À MON AMI PAUL
La prose n’est point sotte, et, — disons-le tout bas, —
Le plus souvent les vers sont de la sotte prose,
De lourds empâtements de vert tendre et de rose,
Des suites d’adjectifs, des oh ciel ! des hélas !
Un orgueilleux jargon où le pauvre poète
Vous dit tout, — excepté ce qu’il a dans la tête.
C’est absurde, c’est plat. Et pourtant, jeune fou,
Voici que je rimaille, allant je ne sais où,
Suant longtemps parfois pour trouver une rime,
Prenant à chaque vers une pose sublime,
Et, — pourquoi le cacher ? — croyant de bonne foi
Qu’il n’est pas de poète aussi tendre que moi.
C’est que je crois encore à mille niaiseries,
Aux femmes, à l’amour, aux bleuets des prairies,
Et que je ne sais pas que, lorsque vient la faim,
Mon beau rêve doré ne donne pas du pain.