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Qui tantôt sur les fleurs tout bas te le donnait.
Nul songe ne la berce en lui disant : Je t’aime.
Ne t’ayant jamais vu, souriante, elle dort…
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— Oh ! non, murmura-t-il, je ne lui dirai pas,
Que dans chaque sentier je la suis pas à pas.
Jour de Dieu ! si mon ange allait perdre ses ailes !
S’il n’était pas celui qu’il me fallait aimer !
Au lieu de tout bénir, si j’allais blasphémer,
Prostituer mon corps, ces guenilles mortelles,
Et sentir en pleurant mon âme se fermer !
Si les pleurs des vieillards sur leurs amours passées
Étaient des pleurs qu’arrache un amer souvenir !
S’il était vrai qu’un jour les âmes sont lassées
Et que l’amour s’apaise ainsi qu’un vil désir !
Mais peut-être jamais ma lèvre sur sa lèvre
Ne la ferait trembler d’une amoureuse fièvre.
Peut-être elle fuirait, comme un lutin railleur,
Ou passerait, superbe et le front sans rougeur.
Peut-être elle rirait… Oh ! le rire, le rire !
Vent maudit qui soufflette et qui glace le sang,
Arrête sur la lèvre un mot qu’on allait dire,
Passe, fait chanceler et fuir en pâlissant !
Oh ! le rire moqueur de celle qu’on adore,
Que tout semble écouter et jeter aux échos,
Que dans la solitude on croit trouver encore,