Mois des jeunes amours où la vierge, le soir,
Troublée et ne pouvant chasser sa rêverie,
Vient par besoin d’aimer s’adresser à Marie,
S’enivrer des parfums que jette l’encensoir,
Et, comme à quelque amant, prodiguer dans sa fièvre
À son froid crucifix les baisers de sa lèvre.
Filles, filles de Dieu, dans l’ombre des arceaux,
Quand, pâles sous la bure, à genoux et tremblantes,
Vous frappez de vos fronts les dalles des tombeaux ;
Quand l’orgue gronde et jette aux voûtes frémissantes
Ses sanglots, ses soupirs, ses mille voix d’airain ;
Quand l’autel est en feu, que le parfum s’élève,
Que monte un chant d’amour dans le temple divin,
Et, que les yeux noyés, voyant comme en un rêve,
Vous vous courbez encor, sur l’ivoire des croix
La lèvre palpitante et la bouche sans voix :
Dites, oh ! dites-moi, vous les pudiques nonnes,
À qui s’adresse donc ce long embrassement ?
Pour qui donc ont pâli vos fronts sous vos couronnes ?
Et qui cherchent vos mains, fluettes et mignonnes,
Que paraissent brûler les baisers d’un amant ?
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Pendant un mois entier, de pâles jeunes filles
S’agenouillent ainsi devant cet humble autel ;
Et, craignant leurs vingt ans dans les sombres charmilles,
Elles viennent aimer sous les regards du ciel.
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