Ah ! je le sais, monsieur, vous faites tout cela.
Vous êtes un coureur.
— Rosita ! Rosita !
Dit l’enfant, sérieux, la voix pleine de larmes,
J’ai grand soif et je bois ; j’ai de fort belles armes,
Pour ne pas les laisser se rouiller, je me bats ;
Mais promener partout mon cœur et ma tendresse,
Cela me semble vil, et je ne le fais pas.
Tu seras ma dernière et ma seule maîtresse,
Et mon cœur sera mort le jour où tu mourras.
— Oh ! vous mentez, monsieur.
— Je jure sur mon âme,
Dit-il en pâlissant, je jure sur l’honneur
Que mes lèvres jamais n’ont baisé d’autre femme,
Et que nulle après toi n’ira jusqu’à mon cœur.
Si je te quitte un jour, tiens ! je veux qu’on le sache
Et que dans chaque rue on dise : C’est ce lâche !
— Eh ! bien, moi, reprit Rose arrangeant son peignoir
Et faisant une mine en face d’un miroir,
Moi, le jour de folie où, reniant mon âme,
Aux bras d’un autre amant on viendrait à me voir,
Qu’on me donne les noms d’hypocrite et d’infâme !
Tout à coup, Rodolpho partit d’un grand éclat
De rire.
— Ah çà ! dit-il, croirait-on pas, mignonne,
Que nous nous querellons ? Le Seigneur nous pardonne !
Ton serment est naïf et le mien est fort plat.
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