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sérieux qu’en France, même lorsqu’on y combat le romancier. De sorte que, si nous comparons l’attitude de notre critique à celle des critiques voisines, il faut bien reconnaître que nous ne brillons pas. Et, d’ailleurs, cela s’explique : l’éloignement dans lequel la critique étrangère porte ses jugements, ne supplée-t-il pas jusqu’à un certain point au recul des années, qui permet à la postérité de mieux voir l’en-semble des hommes et des œuvres. Racine dit dans la seconde préface de Bajazet : « L’éloignement des pays répare en quelque sorte la trop grande proximité des temps : car le peuple ne met guère de différence entre ce qui est, si j’ose parler ainsi, à mille ans de lui, et ce qui en est à mille lieues. » Ce que Racine disait de l’opinion du peuple sur les personnages de tragédie, peut s’appliquer avec non moins de vérité aux opinions de la. critique sur les auteurs eux-mêmes. Oui, en critique aussi, l’éloignement des pays répare la proximité des temps ; de sorte que les jugements de l’étranger, bien entendu en prenant l’ensemble et en tenant compte du tempérament particulier de chaque nation, contiennent une sorte d’avant-goût des jugements de la postérité,

Je viens de citer Racine. Lui-même, le doux, le tendre Racine, comme tous les écrivains originaux, hardis et vraiment forts, eut à se plaindre de la critique de son temps. Il faut relire les préfaces de ses pièces. Comme on le sent souffrir, à chaque ligne, de l’animosité de ses détracteurs ! Écoutez-le,