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rompre au milieu de son labeur, et à prêter l’oreille.

— Mais qu’ont-ils donc à crier comme ça ? dit-il alors.

Ces journées-là, parfois, sont amères. Il est pris du dégoût des hommes. Même sa passion unique, la littérature, lui paraît vide. Les phrases, dans le cerveau, ne se dévident pas comme à l’habitude ; il se produit à chaque instant des nœuds qui obligent le cordier à s’arrêter, sous peine de casser net le chanvre de la pensée. Pourtant, des tentations lui viennent de confondre les insulteurs. Mais à quoi bon ? Ce serait prolonger inutilement le vacarme. Mieux vaut ne pas céder à ses nerfs. Aujourd’hui qu’il a quitté la presse, il s’est même juré de ne jamais répondre. D’ailleurs, quinze années d’éreintement l’ont bronzé, il est rare qu’un article le touche, et il finit par se remettre au travail, avec sérénité, après avoir jeté au grenier les journaux qui le couvrent de boue.

A Médan, dans un cabinet spécial attenant à la bibliothèque, sur de grandes planches, il collectionne tout ce qu’on dit de lui. Éloges, critiques, calomnies, outrages, plaisanteries et bons mots de certains boulevardiers, âneries, tout se trouve entassé par énormes paquets ficelés. Cela dort, en attendant que quelqu’un s’amuse au travail considérable d’un classement définitif. Parfois, il a l’idée de jouer un bon tour à la critique. Lui que tant de plumitifs injurient, en l’accusant d’être violent, il n’aurait