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des inconnus ou des indifférents, il ne se livre pas. Aussi ne cause-t-il bien qu’entre amis, lorsqu’il se passionne. Devant des figures qui ne lui sont pas familières ou qui ne lui reviendront pas, il ne lâchera que quelques phrases brèves, tranchantes, n’arrondissant pas les angles, laissant voir aux imbéciles qu’il les juge comme tels. Quand on a cet excès de franchise, on passe pour un ours. Mieux vaut dès lors ne pas se déranger, rester en pantoufles au coin de son feu, au milieu d’un petit cercle d’intimes, devant lesquels, sans chercher à briller, on pourra tout dire. C’est ce qu’il fait la plupart du temps. Alors, il est vraiment lui-même : affectueux, modeste, s’intéressant à vous, sachant écouler, faire cas de votre pensée, vous laissant aussi pénétrer aux plus intimes replis de la sienne, sincère par conséquent, enfin réellement sympathique, indulgent, de bon conseil, très sûr. On ne le connaît sous son vrai jour, que si on le voit dans l’intimité. Et il n’a d’ennemis, certainement, que parmi ceux qui ne le connaissent pas.

Zola est donc absolument l’opposé de ces comédiens de sentiment comme j’en connais : tout miel et tout sucre devant les inconnus, tout séduction pour les gens qui les voient la première fois, et foncièrement durs, faux et mauvais, martyrisant leur entourage. Peu liant au contraire, effaré en public, ombrageux et gardant une réserve hautaine à l’égard des indifférents, il évitera les cohues, aussi bien celles des