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une flamme intellectuelle sans cesse allumée, une foi qui le jette en avant, le pousse à se prodiguer pour tenter de convaincre les autres. De là, ses dons exceptionnels de polémiste, toute une face de sa personnalité. La passion appelle la passion, certes. Aussi se fait-il écouter. S’il ne convainc pas toujours la foule, ses démonstrations ont au moins pour résultat de la secouer, et l’on voit brusquement s’allumer, ainsi qu’une traînée de poudre, un de ces grands scandales artistiques, littéraires, ou même politiques, comme les discuteurs à froid, les coupeurs de cheveux en quatre. ne sauraient en susciter. Homme de foi et esprit chaud, il est même un peu prêtre. Tout positiviste qu’il se dise, il a, du prêtre, une certaine gravité douée, une affabilité tendre, surtout une inguérissable mélancolie, résultant, à certaines heures, de la conscience du néant de tout. Le corps, avec cela, alourdi par le manque d’exercice, d’une sensibilité nerveuse, maladive, le prédispose à l’hypocondrie. La foi ardente dont j’ai parlé ne flambe chez lui qu’aux heures du travail et dans ses discussions avec des amis. Mais les rouages de son esprit cessent-ils de fonctionner, c’est le doute : voici le néant et la mort ! Reste-t-il deux jours sans travailler ? c’est une âme en peine. Huit jours ? il tomberait malade.

Lorsque le travail intellectuel vous est devenu à ce point nécessaire, lorsque la vie arrive ainsi peu à peu à se concentrer autour d’un point unique, il n’est