la vallée ; trains de marchandises relativement si lents que l’on compterait presque les tours de roue et qu’on a tout le temps de voir, émergeant des wagons à bestiaux, quelque mufle de bœuf en destination de la Villette, stupidement levé vers les nuages. Quand la nuit tombe, chaque locomotive apparaît dans une rougeur, et la lanterne grenat du dernier wagon semble quelque temps une étoile qui fuit. L’enfoncement dans le noir, de tout cet inconnu qui passe devant vous ; semble plus irrémédiable. Eh bien ! à cette heure mélancolique de la nuit tombante, lorsqu’on ne voit plus assez pour écrire ou pour lire, c’est en attendant les lampes, que Zola, accoudé sur le large balcon de son cabinet, m’a souvent parlé de ce plan favori :
— « Ce que je vois déjà, au milieu de vastes plaines, pelées et désertes comme des landes, dans une profonde solitude, c’est une de ces toutes petites maisons de garde, sur le seuil de laquelle on aperçoit parfois une femme qui tient le drapeau vert, au passage des trains… Et là, au bout du monde et à deux pas pourtant de ce formidable va-et-vient de la voie, de ce perpétuel fleuve de vie qui coule et remonte sans s’arrêter jamais, je rêve quelque drame bien simple, mais profondément humain, aboutissant à une catastrophe épouvantable, peut-être à un choc de deux trains volontairement causé pour assurer une vengeance personnelle… Ça ou autre chose ! vous savez que l’affabulation d’une œuvre ne