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François Zola avait alors près de quarante ans, l’heure de la maturité, l’heure où l’on sait bien ce que l’on veut, et où l’on commence à voir clair dans sa vie. Décidé à ne plus quitter cette seconde patrie de la Provence, il rêve, en travaillant d’abord pour les simples particuliers, de se vouer tout entier à quelque vaste projet d’intérêt public, qui rendra son nom populaire et l’attachera pour toujours à la contrée. Certains esprits, d’ailleurs, sont ainsi tourmentés par le besoin de faire grand. Que pouvait-il entreprendre de grand, à Marseille ? Marseille ne vit que par la mer, par son commerce maritime. Et le Vieux-Port, très sûr, mais étroit, toujours encombré de navires, était reconnu bien insuffisant. Tout le commerce marseillais en réclamait déjà hautement un nouveau. Après une minutieuse inspection des lieux, après de mûres réflexions, il prépara le projet d’un nouveau port, qu’il plaçait aux Catalans, au fond d’une baie naturellement très abritée, avec passes de sortie par les temps de mistral. Le mistral, ce terrible vent du nord-ouest, si glacial et aux rafales si violentes, est le fléau de la Provence. Les marins du golfe de Lion le redoutent, fuient devant lui, vont se réfugier jusque, derrière la Corse et la Sardaigne. Son idée n’était donc pas si mauvaise ; elle était même si juste qu’on y revient aujourd’hui. Mais, en ce temps-là, le projet de la Joliette l’emporta. Les Marseillais eurent un port très rapproché de la ville, mais peu sûr. Quant