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amant d’une voix affaiblie : « Chante-moi ta doïna, ô mon bien-aimé ! pour que mon âme se réveille à la douce voix. »

L’étranger prit la fée dans ses bras, et pendant qu’il la berçait comme un enfant, sa voix chantait ainsi :

« Ma jeunesse a fleuri comme la violette des bois depuis le jour où ma belle maîtresse, pareille à une étoile, a brillé à l’horizon de ma vie.

« Cher astre de mon cœur, astre charmant d’amour, oublie le ciel pour moi ; j’oublierai la terre pour toi. »

Tout à coup son chant fut interrompu par les cris déchirants d’une mère qui avait perdu son enfant ; cette voix douloureuse s’élevait du sein du village et s’unissait dans les airs aux sons lugubres d’une cloche.

À ces cris de désespoir, à cette harmonie funèbre, le cœur de Floriora fut pénétré d’un sentiment étrange de tristesse mêlé d’effroi ; elle jeta ses regards autour d’elle, les dirigea du côté des montagnes, et pâlissant tout à coup, elle courut se réfugier dans les bras de son amant :

« Oh ! mon ami, dit-elle, ne vois-tu pas venir le Zméou des montagnes ? Le voici, le voici qui arrive pour m’enlever à toi ; c’est le seigneur Dieu qui l’envoie, car depuis que je t’ai donné mon amour, les fleurs de la plaine ont dépéri et sont allées se plaindre au ciel de mon abandon. »

On voyait en effet s’avancer du côté des montagnes un Zméou porté par un nuage noir qui s’étendait rapidement sur l’azur du ciel ; la nature frémit, les cœurs tremblèrent et l’orage éclata. Au milieu du fracas du tonnerre, la pluie tombait à torrents, le vent mugissait et brisait les arbres.