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s’agitait violemment, tandis que le coursier hennissait en bondissant dans la plaine.

Voilà que tout à coup une jeune fille apparut auprès d’eux ; elle portait un joyeux sourire sur les lèvres, une belle chemise brodée sur les épaules et des papillons dorés dans les cheveux.

Cette charmante enfant des montagnes sortait d’un verger voisin où elle avait cueilli, pour les placer près de son sein blanc comme la neige, de petits bouquets de fleurs et de petites branches de cerisier couvertes de leurs fruits vermeils. Ses pieds effleuraient à peine l’herbe de la plaine, et sa voix joyeuse chantait ainsi :

« Je porte sur mon sein un jardin de fleurs ravissantes dont le parfum enivre et inspire l’amour.

« Dans ce jardin on trouve des fraises et des cerises vermeilles, mais on ne peut les cueillir qu’en me donnant sa vie en échange.

« Bel étranger, ne veux-tu point goûter de ces fruits délicieux pour rafraîchir ton cœur ?

« Regarde et dis s’il existe sous le soleil des fruits aussi beaux, aussi doux que ceux que je porte sur mon sein. »

Tout en chantant, la jeune fille s’arrêta ; sa main écarte innocemment les plis de sa chemise sur la poitrine, et découvre les contours gracieux de sa gorge à travers les bouquets de fleurs et les petites branches de cerisier qu’elle y avait cachés.

L’étranger en fut ébloui ; il tendit rapidement la main pour toucher aux fruits, mais la fée arrêta dans l’air cette main téméraire, et dit d’une voix émue :

« Oh ! ne cueilles pas ces fruits offerts par la jeune fille, car moi je possède un jardin beaucoup plus beau