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Jadis, par une nuit obscure, de doux chuchotements d’amour flottaient mystérieusement dans l’air ; deux ombres tendrement embrassées erraient dans la vallée et parlaient d’amour éternel.

Tandis que sur le sommet d’une colline lointaine on voyait à peine se mouvoir, aux pâles reflets des étoiles, un blanc coursier enfanté par le vent, sa crinière était tout hérissée, et ses sabots légers marquaient des traces sur le sol.

« Ne pars pas, non, mon ami, disait la tendre jeune fille d’une voix émue et les yeux pleins de larmes. Oh ! je t’en conjure au nom de la sainte croix, reste auprès de moi, mon bien-aimé ; ne t’éloignes pas !… » Mais le jeune homme ne répondit pas…

Il prit sa maîtresse dans ses bras, la pressa ardemment sur son cœur, lui donna un doux baiser, puis s’éloignant rapidement et s’élançant avec joie sur son coursier de guerre… il disparut dans l’obscurité.

Qui ose courir ainsi au sein de la nuit comme un esprit de tempête ? qui fuit ainsi, à la douzième heure nocturne ? C’est un cheval blanc avec son maître.

Le vent souffle et gémit, le cheval s’élance bravement et dépasse le vent dans sa course… Mais voici, voici qu’à travers les vapeurs de la plaine apparaissent tout à coup des milliers de feux follets.

Ces lueurs trompeuses volent et s’éloignent ; le cheval vole également et les poursuit ; mais à chaque pas, il approche rapidement du précipice… Arrête, arrête !… Du haut des rochers ils tombent ensemble, cheval et cavalier, dans le gouffre immense !…

Et depuis, on entend au fond de ce gouffre des gémissements et des blasphèmes impies que le vent de la