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grands yeux pleins de flamme, elles se mouvaient, se balançaient gracieusement, et souriaient aux jeunes filles.

Mais voici que tout à coup deux nouvelles images apparurent à la surface de l’eau, comme à travers un rêve matinal, deux images belles à voir.

Cependant ces nouvelles ombres n’étaient pas, ainsi que les premières, blanches comme la fleur des lis, et douces comme l’azur du ciel.

Elles étaient au contraire hâlées par le vent ; elles avaient des cheveux noirs, de larges sourcils et des yeux de vautour aux regards audacieux.

« Vois donc, ma sœur, quelle merveille, s’écrièrent follement les jeunes filles : voici les images de nos fiancés, ah ! qu’ils sont beaux à voir !

« Regarde ; ne dirait-on pas que ces ombres muettes désirent nous embrasser ? Regarde comme elles tendent leurs bras… Fuis, ma sœur, sauve-toi… »

Mais elles n’avaient pas achevé que déjà, sur leurs fronts et sur leurs cheveux, je ne sais qui avait déposé de doux baisers…

Depuis ce jour, les deux jeunes filles ne vont plus blanchir de la laine à la source du vallon, car maintenant elles passent leur vie dans les forêts sur les grandes routes.

Maintenant elles savent comment on lance une balle à l’ennemi, et souvent elles ont vu comment se sauvent les Albanais devant les brigands.

Car depuis que sur leurs fronts et sur leurs cheveux elles ont reçu de doux baisers, les chères enfants ont suivi dans les forêts profondes.

Deux braves aux larges sourcils, à la figure hâlée par