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ennemis jeunes et hardis au sein des combats ont senti pénétrer dans leurs fronts et dans leurs cœurs les flèches mortelles de ces deux guerriers.

Car ce sont les dignes archers du prince Étienne-le-Grand, qui prépare son arc en ce moment pour joûter avec eux.

« Enfants, tendez vos arcs… je veux aujourd’hui joûter moi-même avec vous. » Ainsi parle le prince Étienne ; aussitôt les deux vaillants s’inclinent, tendent leurs arcs et tirent ; leurs flèches volent, déchirent rapidement l’air qui siffle et s’enflamme ; elles vont, elles vont comme la pensée et l’œil distingue à peine au loin, bien loin, la place où elles finissent par tomber.

Un immense hourra s’élève du sein de la foule et monte jusqu’au ciel ; la montagne retentit de ce bruit et semble hurler dans ses profondeurs.

« Joie et santé à vous, mes enfants, » dit aux archers le prince Étienne ; puis, la corde de son arc vibre, la flèche traverse l’espace comme un éclair[1], elle disparaît, dépasse le but des deux autres flèches, et va se briser contre le tronc d’un vieux platane.

« Là sera l’autel, » s’écrie le monarque glorieux, et, s’appuyant sur son arc de bataille, il incline son front devant le seigneur Dieu.

« Vive le prince Étienne ! » crie de nouveau la foule saisie d’admiration, puis elle tombe à genoux sur l’herbe de la vallée, pendant que les hourras montent au ciel.

  1. « Sbîrnîe córda din arcu’ĭ, fulgerĕ sagéta’n vînt. »

    Ce vers est intraduisible ; à la lettre cela voudrait dire : « La corde de son arc vibre, et la flèche en partant jette des flammes comme la foudre. »