Page:Alexandri - Les Doïnas, 1855.djvu/42

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nument sacré en l’honneur de la chrétienté, et, suivi de ses vaillants Romains, il vient lui-même choisir sur les bords de la Putna, l’emplacement du saint autel.

Une foule immense l’accompagne et se répand sur les collines, comme les vapeurs qui s’étendent sur la surface des marais au coucher du soleil. De vaillants capitaines, couverts d’armures étincelantes, sont là sur leurs coursiers sauvages, et semblent attendre fièrement le signal des combats.

Le glorieux drapeau de la Moldavie flotte majestueusement dans les airs ; la montagne retentit des sons prolongés du boutchoum[1], et la vallée résonne des chants des cornemuses.

Voilà que près d’une colline le prince Étienne s’est arrêté : tout se tait ; le peuple reste immobile, les regards fixés sur lui.

Trois guerriers portant des arcs montent sur la colline ; deux d’entre eux, pareils au sapin des montagnes, ont l’aspect fier et terrible du bison de notre pays ; ils portent la glouga[2] sur l’épaule, le glaive à la ceinture, et sur leur front un vaste bonnet de peau de mouton se courbe et se mêle aux boucles noires de leur chevelure.

Souvent ces deux archers, de leurs flèches lancées jusqu’aux nuages, ont arrêté l’aigle dans son vol à travers les feux des éclairs.

Bien des bêtes fauves au fond des forêts, bien des

  1. Long tuyau en bois de cerisier dont les bergers de la Romanie tirent des sons mélodieux que l’on entend à de très-grandes distances. Anciennement le boutchoum servait à donner le signal des combats.
  2. Manteau en peau de mouton.