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Fasse le Seigneur Dieu que tout ici-bas tourne à son avantage aussi rapidement que tourne mon fuseau.

« Mais s’il ne voulait pas venir !… Fasse l’esprit du mal qu’il soit éternellement frappé de maléfice, et poursuivi éternellement par la colère de l’enfer.

« Que ses yeux tournent dans leurs orbites ; que sa langue soit prise et que Satan, armé d’un fer brûlant, lui arrache le cœur de la poitrine pour le jeter dans les flammes éternelles.

« Que le monstre vert le poursuive tant qu’il y aura devant lui de la terre pour courir et de la lumière pour voir ! Que les terribles esprits de la nuit, Hraconit[1] et Sang-Rouge[2], viennent le torturer à leur tour jusqu’à l’aurore. »

La vieille file avec plus de rage ; son fuseau devient invisible en tournant. Elle s’agite, elle frémit, car soudain une grande étoile vient de tomber du ciel ; une tache noire s’est posée sur le disque de la lune, et le feu du village voisin a diminué.

« Ô mon jeune bien-aimé, retire ta main de la Hora[3] qui tournoie autour de ce grand feu ; détourne surtout tes doux regards des yeux de ces jeunes filles qui dansent avec toi, car elles ont de grands yeux qui portent malheur.

  1. Hraconit, esprit infernal dans la croyance populaire.
  2. Sang-Rouge, esprit infernal dans la croyance populaire.
  3. Danse populaire de la Romanie qui rappelle exactement le chorus antique des Romains ; les femmes et les hommes se prennent par les mains et forment de grandes rondes au centre desquelles se tiennent les musiciens, lautari. Il est d’usage que l’un des jeunes gens chante pendant les évolutions de la danse ; ces chants portent également le nom de horas.