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Hongrois, les Polonais, les Serbes et autres peuples de race slave. Le cadre de cette lettre ne me permet pas de vous retracer ici le tableau de cette brillante période qui couvrit ma patrie de gloire, au prix de tant de larmes et de sang. Non, je ne vous énumérerai point les nombreuses luttes que nous eûmes à soutenir contre les Turcs et les Tartares ; luttes héroïques où, malgré les déchirements de l’intérieur et les harcèlements de nos voisins, nos aigles ont fait pâlir, jusque dans son sérail, le terrible Ilderim, et ont chassé au delà du Balkan, ces farouches enfants du Croissant. Il suffit de vous dire qu’enfin épuisée, divisée, morcelée même, la Roumanie succomba. La Moldavie et la Valachie demeurèrent encore quelque temps debout ; mais elles aussi furent bientôt obligées de subir la domination de la Porte-Ottomane sous le titre de protection ; elles se réservèrent bien, il est vrai, les droits et les priviléges qui garantissent la nationalité d’un peuple ; mais le repos et la tranquillité du pays n’en furent pas moins troublés par les incessants empiétements des Musulmans. Un malheur cependant, une calamité bien plus grande attendait ma pauvre patrie. Dès le xviiie siècle, la Moldo-Valachie, perdant le droit de se gouverner par des princes indigènes, subit l’opprobre du joug des Fanariotes.

La servitude, monsieur, est chose terrible ; mais rien de plus terrible que l’avilissement de la servitude sous les Fanariotes, race ignoble et bâtarde des Grecs habitants du Fanar. Non, l’Europe ne saurait se faire une idée d’une situation pareille à la nôtre sous le régime de ces nouveaux maîtres, esclaves eux-mêmes de la Turquie, vils, corrompus, rampants et voués à tous les mauvais instincts de la nature déchue.

Les arts et les sciences ne fleurissent guère dans les temps de trouble ; le progrès est lent, sinon impossible. Cependant en interrogeant l’histoire, on se convaincra