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Nous nous vîmes plusieurs fois ; chaque jour nous rapprocha davantage ; je trouvai en vous, avec un ineffable plaisir, cet abord facile et expansif, cette vivacité toute française, cette gaîté de caractère qui, hélas ! autrefois ont fait aussi le charme de ma vie. Vous vîtes en moi une résignation calme au malheur de l’exil et un cœur qui sourit encore au bonheur d’autrui. Depuis lors, convaincu que si, sur le terrain de la politique, nous ne devons jamais faire route ensemble, sur tout autre terrain cependant, nous pouvons nous tendre la main, vous m’offrîtes vos bons services et j’acceptai. Aussi vous avez vu avec quelle confiance je suis venu à vous pour vous demander des conseils sur cette traduction, en tête de laquelle je vous demande aujourd’hui la faveur de placer votre nom.

Mais avant de vous dire pourquoi je réclame cette faveur, permettez-moi de vous expliquer les motifs qui m’ont déterminé à publier ce livre.

C’est un drame bien émouvant, mon cher monsieur Weill, que l’histoire de ces descendants des colons romains qui suivirent Trajan dans la Dacie et qui forment aujourd’hui le peuple rouman. Douloureux et sanglant jusqu’au commencement du xiiie siècle, ce drame, que, malgré mes désirs, je ne saurais suivre dans toutes ses péripéties, atteignit, dans les siècles suivants, les proportions d’une brillante épopée. C’est ainsi qu’après les calamités des invasions successives des barbares, tels que Goths, Ostrogoths, Huns, Avares, Tartares et autres, calamités qui durèrent près de dix siècles, la Roumanie parvint enfin à conquérir son existence nationale et à briller d’un grand éclat dans le monde politique. Mais qu’elle fut courte et agitée, cette période ! qu’elle fut tourmentée, cette existence ! car ce peuple martyr, rempart de la chrétienté et de la civilisation contre les envahissements de l’Islamisme et de la barbarie, n’eut pas même le bonheur de vivre en paix avec ses voisins les