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À la chute de la nuit, Spanciok et Stroïtsch arrivèrent, et aussitôt après avoir mis pied à terre, ils dirigèrent leurs pas vers la citadelle. Elle était déserte et muette comme le tombeau d’un géant. L’on n’entendait que le murmure des vagues du Dniester, qui venaient se briser contre les flancs nus et gris de la forteresse, et le cri monotone des sentinelles que l’on entrevoyait à peine à la lueur du crépuscule, appuyés sur leurs longues lances. Mais quel fut leur étonnement, en entrant dans le palais, de ne rencontrer personne ! Un valet seul se présenta au bout de quelques instants, et, d’un geste muet, leur indiqua la chambre du malade. Ils allaient y pénétrer, lorsqu’un grand bruit, qu’ils entendirent, les fit s’arrêter à la porte pour écouter.

Lapuchneano était revenu de sa léthargie. En ouvrant les yeux, il vit deux moines noirs comme des fantômes et immobiles comme des statues de bronze debout l’un aux pieds de son lit, l’autre à la tête. Il se regarda, et se vit couvert d’un froc noir ; à son chevet, gisait le chaperon noir des religieux. Il voulut lever la main, mais elle s’embarrassa dans un long chapelet de laine. Il crut un instant qu’il rêvait et ferma les yeux ; mais, les rouvrant bientôt, il vit les mêmes objets : chapelet, froc, chaperon, moines, tout était à la même place.

« Comment vous sentez-vous, frère Païsius ? lui demanda l’un des moines, voyant qu’il ne dormait pas. »

À ces mots, il comprit ce qui s’était passé ; son sang commença à bouillonner, et, se soulevant à moitié :

« Quelle comédie est-ce là ? s’écria-t-il ; vous vous jouez de moi ? Hors d’ici, cafards ! sortez, sinon je