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fidèle à la parole qu’il avait donnée à la princesse Roxandre, n’avait plus fait couper la tête à aucun boyard ; mais, fidèle en même temps à ses instincts de cruauté, il inventait chaque jour pour les assouvir de nouvelles tortures.

Il faisait arracher les yeux, couper les mains, mutiler les corps de quiconque éveillait ses soupçons, soupçons imaginaires encore, car, dans toute la principauté, il ne se trouvait plus personne qui osât murmurer.

Cependant, il était tourmenté de n’avoir pas pu mettre la main sur Spanciok et Stroïtsch, qui s’étaient réfugiés à Camenietz, attendant des temps meilleurs et guettant une occasion favorable. Quoi qu’il eût pour beaux-frères deux comtes fort puissants par l’influence qu’ils exerçaient à la cour de Pologne, les deux fugitifs le tenaient dans des transes continuelles, et il s’attendait chaque jour à les voir entrer en Moldavie, suivis des Polonais, qui ne cherchaient qu’un prétexte pour cela. Mais il connaissait mal ces deux Roumains, trop bons citoyens pour appeler sur leur patrie le fléau de l’invasion étrangère.

Lapuchneano leur avait écrit plusieurs fois pour les inviter à rentrer dans le pays, s’engageant par les plus forts serments à ne leur faire aucun mal, mais eux n’avaient garde de se laisser prendre à ses promesses. Afin de les surveiller de plus près, il transféra sa résidence dans la forteresse de Chotin, à laquelle il fit ajouter de nouvelles fortifications ; là, peu de temps après, il fut attaqué de la fièvre typhoïde. La maladie fit de si rapides progrès, qu’il se vit bientôt presque aux portes du tombeau.

Dans le délire de la fièvre, toutes les victimes de sa