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comme une femme ; sois donc courageux, sois un vrai Roumain. À quoi bon, d’ailleurs, aller te confesser ? Que dirais-tu à ton confesseur ? Que tu es un brigand et un traître ? Toute la Moldavie le sait. Allons ! qu’on l’emmène et qu’on le livre au peuple. Qu’on dise à celui-ci que c’est ainsi que le prince Alexandre récompense les oppresseurs et les voleurs du pays. »

L’intendant des prisons et le capitaine des lefedgis le saisirent immédiatement et se mirent à l’entraîner ; l’infortuné boyard criait en se débattant de toutes ses forces ; mais que pouvaient ses mains affaiblies par l’âge contre quatre bras vigoureux ? Il s’efforçait en vain de s’affermir sur ses pieds. Il trébuchait à chaque pas contre les cadavres de ses compagnons, et glissait dans le sang qui commençait déjà à se figer sur les dalles. Enfin, ses forces l’abandonnant, il fut entraîné par les satellites du tyran qui le hissèrent, plus mort que vif, sur la plate-forme, et le précipitèrent au milieu de la foule.

L’infortuné boyard tomba dans les serres de l’hydre aux mille têtes, qui, en un clin-d’œil, le mit en morceaux.

« C’est ainsi que le prince Alexandre récompense les oppresseurs et les voleurs du pays ! s’étaient écriés les envoyés du tyran.

— Vive notre prince ! » répondit la foule, et, satisfaite de cette victime, elle se dispersa.

Pendant que le malheureux Motzok périssait ainsi, Lapuchneano avait ordonné qu’on desservît la table, et qu’on coupât la tête à tous les cadavres qu’il fit jeter par la fenêtre. Puis, prenant les têtes, il les disposa de sa propre main au milieu de la table, suivant l’ordre de